Des bons et des mauvais coups D’Etat
Voilà qu’on parle de nouveau abondamment de coups d’Etat sur le continent! Comme dans les années 1970-80. En effet, en 1980 par exemple, l’Afrique comptait 19 chefs d’Etat militaires sur 48, c’est-àdire, plus du tiers (Algérie, Bénin, Burundi, Congo, Egypte, Guinée Equatoriale, Ethiopie, Liberia, Libye, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Rwanda, Somalie, Soudan, Togo, Haute Volta, Zaïre). Ces militaires avaient pris le pouvoir à l’issue d’un coup d’Etat. Les jour- nalistes les appelaient les «hommes en kaki», mais ils n’étaient ni honnis ni bannis. Les sous-préfets renversés étaient abandonnés à leur propre sort en vertu de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Entendons-nous bien! Un coup d’Etat est un acte politique autori- taire, violent ou non, symbolisé par la prise soudaine et illégale du pouvoir politique, en violation des normes constitutionnelles et des lois qui régissent la transmission institutionnelle. Des lois y compris la Constitution qui peuvent opportunément être modifiées. Un coup d’Etat peut donc être militaire ou politique. La question qui nous intéresse ici est pourquoi certains coups d’Etat sont jugés bons, acceptables, par les Etats voisins et/ou la com- munauté internationale, tandis que d’autres suscitent la réprobation de cette même communauté internationale qui les trouve mauvais, inacceptables. Certains auteurs de coups d’Etat sont qualifiés de juntes, de putschistes qui sont voués aux gémonies, alors que d’autres sont fréquentables, accueillis avec aménité et empresse- ment dans le club. On les accompagne même avec excitation et contentement le jour de leur intronisation solennelle. Existe-t-il des critères objectifs pour distinguer un coup d’Etat d’un autre? Ce jugement est-il fonction du degré de violence de l’action ou des causes évoquées par les auteurs du putsch et rejetées par la communauté internationale? Est-ce à la communauté internatio- nale ou aux Etats voisins d’apprécier la justesse d’un coup d’Etat ou aux peuples concernés? On constate que la communauté inter- nationale- du moins celle que l’on qualifie de telle- a ses propres critères qui dépendent de ses intérêts économiques, politiques et géostratégiques. Même sa définition et son appréciation d’un Etat ou d’un gouvernement démocratique sont biaisées et partiales. Les populations en général, africaines en particulier, jugent les gouvernements selon d’autres critères. Elles applaudissent les coups d’Etat parce qu’elles espèrent que le nouveau régime, ci- vil ou militaire, va restaurer les valeurs cardinales d’un Etat qui va ressouder le tissu social national, qui va abolir les injustices socia- les, l’impunité, la corruption et la concussion, le règne des intérêts particuliers, familiaux, ethniques et claniques, le favoritisme, l’irresponsabilité, les détournements de biens publics, la privatisation de l’Etat, etc. Bref, un Etat pour le pays et pour la nation. Les espoirs sont souvent déçus parce que les nouveaux maîtres, une fois installés, utilisent les mêmes méthodes et maintiennent les populations dans la pauvreté, la misère, l’indigence et la précarité. La gabegie des pouvoirs en Afrique, la mauvaise gouvernance, les dépenses de prestige et l’impunité sont criardes. La paix, la sécurité et le développement promis, la gouvernance au profit de tous les citoyens, etc… font partie des promesses non tenues. Comme disait l’autre, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. En définitive y a-t-il des bons et des mauvais coups d’Etat? Dans les années 1970, un professeur de droit s’amusait à poser la question à ses étudiants de première année: Qu’est-ce qu’un bon coup d’Etat? Aucun étudiant ne lui donnant une réponse satisfaisante, le professeur, de façon péremptoire, déclarait: «Un bon coup d’Etat, est un coup d’Etat qui a réussi». A contrario, un mauvais coup d’Etat, c’est celui qui a échoué, c’est une tentative de coup d’Etat. Point final. Content ou mécontent, nul ne peut prétendre avoir le bon droit de dicter sa loi aux autres peuples. L’Histoire s’écrit tous les jours, malgré nous. Et quelles que soient les résistances. Les individus et les leaders politiques ont leurs opinions, les peuples ont les leurs. C’est une question d’intérêts mais aussi de bon sens. Comme il est difficile de ramener le temps en arrière, à reculons! Car ce qui est, est. Ce qui a été est passé. Soyons réalistes!